En lisant l’arrêt « Cour d’appel de Basse-Terre, 20 janvier 2020, 18/014111 », je me suis dit « les pieds nickelés font donation d’un terrain ».
En 2013, M. et MME X. vendent à leur fils un terrain de 8 466m² au prix de 21 952,66€, avec le concours de leur notaire, Me DESGRANGES.
Or la Direction régionale des finances publiques de Guadeloupe estime en 2015 que la valeur vénale du bien est en fait de 592 760€ et requalifie la vente en donation déguisée, avec les pénalités et intérêts de retard de mise.
M. et MME X expliquent devant la Cour que la valeur vénale du bien est plutôt de 147 442€ vu les travaux de viabilisation à réaliser.
Ils sont par contre incapables d’expliquer pourquoi alors ils ont retenu une valeur 338 720€ dans leur déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune en 2013…
De son côté, l’administration fiscale a fait preuve de sérieux pour déterminer un prix de 70 € le mètre carré (prix moyen de 79 euros limité à 70 euros), sur la base de six ventes de terrain à bâtir réalisées entre janvier 2009 et le 30 novembre 2012, y ajoutant deux autres mutations des 12 décembre 2012 et 8 août 2013 (prix moyen de 82,41 euros/m²).
Le bien est ainsi décrit : « terrain plat et constructible, en bordure de route au Nord, ainsi facile d’accès et voisinant pour partie des villas (en zone d’habitat dispersé) et à une distance de 3 kilomètres de la mer, dans un secteur constituant un des pôles touristiques du département de la Guadeloupe ».
1/ Une décote dans le cadre d’une donation ou d’un partage, pourquoi pas
Je pense qu’il faut organiser le sort de ses biens de son vivant et de sa bonne santé mentale.
Des biens laissés à plusieurs enfants qui ne s’entendent pas sont ingérables et invendables sauf à provoquer une sortie d’indivision judiciaire.
Par ailleurs, si un enfant est intéressé par un bien et l’autre non, mieux vaut pour ce dernier recevoir tout de suite des liquidités plutôt que dans 10 ou 20 ans.
Enfin, un bien peu utilisé et mal entretenu peut se dégrader et voir sa valeur s’amoindrir.
Pour ces raisons, je ne suis jamais choqué lorsqu’un bien est donné pour 80 000€ au lieu de 90 000 – 100 000€ avec la bénédiction de toute la famille.
Ici, nous sommes passés de 338 720€ dans l’ISF à 21 952,66€.
Pourquoi ne pas avoir vendu ou donné sur une base proche ?
2/ Le rôle de conseil du notaire
Les notaires que je côtoie sont très attentifs à la valeur retenue pour les biens donnés.
Ils s’assurent qu’un négociateur de leur étude ou du réseau d’expertise notarial (Notexpert) visite et évalue le bien.
Un tribunal judiciaire peut aussi proposer une liste d’experts judiciaires si la région est mal dotée en experts notariaux.
L’évaluation de ces experts, contrairement à celles des agences immobilières, engagent leur responsabilité. Les valeurs proposées par les agences ne sont pas forcément erronées mais elles peuvent manquer de méthode et surtout, les agents immobiliers ne sont pas assurés en cas de litige.
Un expert agréé ou votre notaire peuvent vous assister dans vos relations avec l’administration fiscale.
Même sans recourir à une expertise immobilière, le notaire aurait du s’interroger sur la valeur du bien. Il avait certainement enregistré lui-même quelques ventes de terrains similaires. Il pouvait dans le doute passer un coup de fil à la mairie pour s’assurer de la constructibilité ou non du terrain, demander un certificat d’urbanisme etc.
C’est encore pire s’il l’a fait ou a délivré une « reconnaissance de conseil donné » mettant en garde ses clients…